Aller au contenu

Décryptage d’un débat inédit sur la corrida au Sénat

C’est une avancée historique et une belle réussite en cette rentrée parlementaire incertaine : un débat sur la proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de 16 ans a eu lieu le 14 novembre 2024 au Sénat. 

Cette proposition de loi, portée par 2 de nos alliés historiques, la sénatrice Samantha Cazebonne (RE) et le sénateur Arnaud Bazin (LR), est le résultat d’un long cheminement politique accompagné par CAP depuis 7 ans.

Melvin Josse, co-fondateur et directeur de CAP, était présent au Palais du Luxembourg afin de suivre l’examen de la proposition de loi au sein de l’hémicycle. Il livre au sein de cet article son analyse politique du débat parlementaire et revient sur son intérêt pour notre future action de plaidoyer. 

Les sénateurs Samantha Cazebonne (RE) et Arnaud Bazin (LR) ainsi que Melvin Josse, directeur de Convergence Animaux Politique lors du débat sur la corrida au Sénat le 14 novembre 2024.

Restitution et analyse des débats parlementaires

L’examen en séance publique a débuté par un réquisitoire du rapporteur de la commission des lois contre le texte, arguant de son inapplicabilité, en l’attaquant sur sa forme. Les porteurs du texte ont dénoncé un prétexte utilisé pour éviter le débat et répondu point par point à ses griefs. Le Garde des Sceaux, dans la même ligne, a émis un avis défavorable à l’adoption de cette proposition de loi. 

Parmi les arguments évoqués par les opposants au texte, issus principalement de la droite et du centre, mais également de la gauche (seuls les Ecologistes ont été unanimes pour soutenir le texte)  : 

  • L’Etat ne doit pas se substituer à l’autorité parentale : l’ancienne ministre Laurence Rossignol (PS) a judicieusement rappelé que « tout le droit de la protection de l’enfance s’est construit sur des interdictions« , d’autres ont cité de nombreux exemples d’interdiction aux mineurs que personne ne saurait remettre en cause, qu’il s’agisse des jeux d’argent, de la vente d’alcool ou de cigarettes, etc.
  • Très peu d’enfants seraient présents dans les spectacles concernés : les tenants du texte se sont étonnés que cet argument serve à s’opposer à une interdiction.
  • Il n’y a pas de consensus sur l’âge à retenir : mais alors pourquoi ne pas proposer un amendement pour retenir le plus petit dénominateur commun, plutôt que de rejeter en bloc l’idée d’une protection des enfants de l’exposition à ces violences ?
  • Il y a plus important en ce moment : la sénatrice Raymonde Poncet-Monge (ECO), qui avait déposé un texte similaire il y a quelques mois et avec qui nous avions travaillé, a dénoncé la vacuité de cet argument au vu de nombreux textes à la portée plus que discutable débattus au Sénat récemment.

Un résultat décevant mais utile pour la suite

La proposition de loi a été rejetée par l’adoption de plusieurs amendements de suppression

Résultat du vote du Sénat concernant la suppression de l’article 2 de la proposition de loi, et donc par conséquent, pour son rejet.

Bien sûr, on peut être déçus que le Sénat ne se soit pas montré à la hauteur de l’enjeu de protection animale, mais aussi des enfants, en rejetant le texte. Mais c’est la première fois qu’on débat réellement de la corrida, même de manière indirecte, dans un hémicycle en France.

Ce vote a permis de mettre à jour la position des sénateurs sur la corrida et d’identifier plus clairement nos soutiens et nos opposants. On notera par exemple le courage et la conviction de Sophie Briante Guillemont qui, prenant la parole pour son groupe (RDSE  – centre gauche), a dénoncé le positionnement majoritaire et les arguments de ses propres collègues, osant s’inscrire en faux. De la même manière, Christopher Szczurek s’est livré à une dénonciation sans équivoque de la corrida, bien loin de la position du RN auquel il appartient. Voir les résultats détaillés du scrutin.

Ce débat signe également la fin d’un tabou politique. En effet, même si beaucoup de parlementaires partagent notre aversion à la torture que constitue la corrida, nombre d’entre eux craignent d’ouvrir un débat qu’ils perçoivent comme hautement inflammable, car touchant à l’identité supposée des régions concernées. Les opposants au texte n’ont d’ailleurs pas manqué d’agiter la menace de tensions dans ces territoires si la loi devait passer. Or, les sondages réalisés sur le sujet dans ces départements montrent peu de différence avec les sondages nationaux : une grande majorité de leurs habitants souhaitent en finir avec ces spectacles (et c’est encore plus vrai pour le soutien à l’interdiction aux enfants). 

Et maintenant ?

Nous remercions tous les parlementaires qui ont eu le courage de prendre position en faveur de cette proposition de loi. Avec nos ONG partenaires le COLBAC, la FLAC, la LFDA, Education Ethique Animale, la SNDA, l’Alliance Anticorrida, le CRAC Europe et No Corrida, nous allons poursuivre le combat contre la violence gratuite infligée aux animaux ! Nous avons bien l’intention de ne pas en rester là, et envisageons la possibilité d’obtenir un débat à l’Assemblée nationale