Ce mercredi 8 octobre 2025, Convergence Animaux Politique (CAP) a organisé à Paris sa 19e Rencontre entre ONG et parlementaires intitulée “Projet de loi de Finances : un levier pour la condition animale ?”
C’est le chantier politique majeur de cette rentrée : le fameux Projet de Loi de Finances (PLF) fixe non seulement les grandes orientations budgétaires de l’État, mais offre aussi aux parlementaires l’opportunité d’orienter les politiques publiques en faveur des animaux et de la biodiversité. Trop souvent sous-exploité, ce levier permet pourtant d’obtenir des avancées concrètes, telle qu’une enveloppe de 3 millions d’euros d’aides à la stérilisation des chats obtenue en 2023 avec notre ONG partenaire l’APRAD.
L’annonce récente du Premier ministre Sébastien Lecornu de ne pas recourir au 49.3 constitue une excellente nouvelle pour accroître nos chances de voir adopter des mesures financières ambitieuses en faveur des animaux. Elle conforte pleinement notre stratégie d’investir cet outil parlementaire, notamment à travers l’organisation d’un événement dédié.
Une vingtaine d’élus étaient présents, parmi eux les députés Eric Coquerel (LFI), Michel Castellani (LIOT), Sandrine Rousseau (ECOS), les sénateurs Samantha Cazebonne (RE) et Arnaud Bazin (LR), les collaborateurs des parlementaires d’Aymeric Caron (LFI), Fabien Gay (PCF), Yannick jadot (ECO) et Bernard Jomier (PS). D’autres personnalités comme le conseiller biodiversité de la ministre de la Transition écologique ou Sandra Guillaumot, responsable de la mission Animal en ville de la ville de Paris, ont répondu favorablement à notre invitation.
Retrouvez ci-dessous les photos, le résumé vidéo de l’événement et le replay de la table ronde (à venir) !









Discours d’introduction du Président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale
Nous avons eu l’honneur d’accueillir, en qualité de grand témoin, le Président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel. Sa présence envoie un signal fort pour intégrer des mesures concrètes en faveur des animaux dans le budget 2026.
Fort de son expertise sur le Projet de loi de finances, le Président a rappelé que l’instabilité politique actuelle a déjà des répercussions concrètes sur la condition animale. Plusieurs décrets d’application se font toujours attendre, et les récentes coupes budgétaires traduisent une tendance préoccupante : l’an dernier, 2,5 milliards d’euros ont été retranchés du budget de l’écologie via l’article 49.3, marquant une érosion continue des moyens consacrés à la protection de l’environnement.
La copie du budget 2026 présentée par le Gouvernement confirme cette orientation, en prévoyant une nouvelle réduction des ressources allouées à l’environnement. Dans ce contexte, il sera essentiel de redoubler de vigilance lors des débats parlementaires pour défendre les politiques publiques en faveur des animaux.
Une table ronde inédite sur le Projet de loi de Finances
Face à ce constat, la table ronde intitulée « Projet de loi de Finances : un levier pour la condition animale ? », animée par Melvin, a permis de croiser les regards de parlementaires issus de différents horizons politiques afin d’enrichir le débat et notre stratégie.
Pour la première fois dans le cadre des Rencontres CAP, plusieurs parlementaires se sont réunis afin de partager leur expérience du PLF appliqué à la protection animale : les sénateurs Samantha Cazebonne (RE) et Arnaud Bazin (LR), ainsi que les députés Corinne Vignon (Horizons), Michel Castellani (LIOT) et Sandrine Rousseau (ECO).
Les échanges se sont articulés autour de plusieurs questions clés : Le Projet de loi de Finances est-il réellement un bon véhicule pour faire progresser la cause animale ? Quelles marges de manœuvre budgétaires existent dans le contexte actuel ? Quels types d’amendements ont, selon eux, le plus de chances d’être repris, voire adoptés ?
Un contexte contraint qui demande de prioriser
Le sénateur Arnaud Bazin, vétérinaire de formation et membre de la Commission des finances, a rappelé le contexte particulièrement contraint dans lequel s’inscrit l’examen du budget : « Nous n’avons pas de Gouvernement, pas de budget, et quand il arrivera, nous ne savons pas dans quelles conditions il sera examiné. »
Avec plus de 3000 amendements déposés au Sénat l’an dernier, la modération sera de mise. Même lorsqu’un amendement est adopté, encore faut-il que l’administration débloque effectivement les crédits, a-t-il rappelé. Pour le sénateur, il faut continuer à porter des priorités, mais sans nourrir d’illusions excessives. La dette publique et le poids croissant des intérêts limitent fortement les marges de manœuvre budgétaires. Une avancée structurelle majeure, selon lui, serait la création d’un délégué interministériel à la condition animale, directement rattaché au Premier ministre.
Les résistances culturelles et politiques à surmonter
La sénatrice Samantha Cazebonne a témoigné de la difficulté à défendre la cause animale au sein même de son groupe politique, évoquant les pressions, les caricatures et les retraits de signatures auxquels elle a pu faire face. Elle est notamment revenue sur la proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs, qu’elle avait défendue avec CAP l’an passé, rappelant combien ce combat illustre les freins culturels et politiques encore à surmonter pour faire avancer la protection animale. Les lobbies adverses étant plus puissants et organisés, elle insiste sur la nécessité de renforcer la force de plaidoyer des ONG et d’améliorer l’organisation : ne pas envoyer les mêmes amendements à tous, mais confier à chaque allié un rôle précis.
Des avancées concrètes à consolider : stérilisation et recherche sans animaux
De son côté, la députée Corinne Vignon est d’abord revenue sur l’amendement qu’elle avait fait adopter en 2023 avec notre ONG partenaire l’APRAD. Celui-ci prévoyait une aide financière de 3 millions d’euros aux collectivités pour la stérilisation des chats errants. Elle a salué une avancée concrète, répondant à la fois à une problématique de santé publique et à une attente forte des associations de terrain, tout en appelant à consolider et amplifier ces dispositifs afin d’en garantir les effets durables. Elle a également insisté sur le potentiel des méthodes alternatives à l’expérimentation animale, citant notamment les organoïdes : « Il manque seulement quelques millions d’euros à la FC3R pour accélérer la transition et éviter les 1,9 millions d’animaux utilisés aujourd’hui à des fins d’expérimentation”.
Une stratégie transpartisane pour contourner les blocages politiques
La députée Sandrine Rousseau a mis en avant un frein politique clair : « Ce n’est pas seulement une question de priorité, mais de volonté de ne pas ouvrir ce champ. » Elle appelle à une stratégie transpartisane coordonnée, ciblant quelques amendements prioritaires suivis dans un tableau de bord commun. Une contrainte est aussi à prendre en compte : le PLF n’autorise aucune augmentation nette des dépenses. Les avancées doivent donc être financées par des recettes nouvelles, en taxant les pratiques néfastes (par exemple, un amendement visant à instaurer une taxe sur la vente de munitions de chasse contenant du plomb sur le principe du pollueur-payeur porté par notre ONG partenaire Animal Cross et déjà défendu l’an passé) pour soutenir les pratiques vertueuses.
Interroger les financements publics actuels
Le sénateur Guy Benarroche a rappelé que trois textes sur la cause animale ont été déposés au Sénat en un an (dont l’interdiction de la corrida aux mineurs et la régulation de l’importation et l’exportation de trophées de chasse d’espèces protégées portés par CAP et ses ONG partenaires), mais que le poids économique des lobbies adverses demeure considérable. Il invite à demander des comptes sur les financements actuels, notamment les 48 millions d’euros alloués à l’expérimentation animale.
Redéfinir notre rapport aux animaux
Enfin, Le député Michel Castellani a rappelé que « la question animale est un révélateur de la relation que nous entretenons avec le vivant ».

Perspectives et propositions
Interrogés sur les sujets porteurs dans les années à venir, les parlementaires ont convergé sur plusieurs priorités :
- Accompagner les reconversions (cirques, éleveurs) pour consolider les lois déjà adoptées qui actent la fin de certaines pratiques contraires au bien-être animal ;
- Investir massivement dans les méthodes alternatives à l’expérimentation animale ;
- Conditionner les aides publiques aux bonnes pratiques de bien-être animal, en veillant à ne pas dégrader la compétitivité économique ;
- S’inspirer des pays voisins et disposer d’un référentiel comparatif clair sur la position de la France.
La table ronde s’est conclue sur la nécessité de mieux coordonner les forces : ONG et parlementaires doivent progresser ensemble pour transformer les contraintes du PLF en leviers. Comme l’a résumé Sandrine Rousseau, au-delà des lignes budgétaires, c’est une véritable bataille culturelle qui se joue : faire contribuer les exploitations animales pour financer les pratiques respectueuses du vivant.
Cette table ronde a mis en lumière l’importance de rechercher des solutions transpartisanes pour faire progresser durablement la condition animale. Alors que le contexte politique actuel tend à renforcer les clivages partisans, les parlementaires présents ont fait preuve de constructivité et d’une réelle volonté de travailler ensemble, au-delà des appartenances politiques. C’est la preuve que la protection animale rassemble largement en cette période d’instabilité.
Les intervenants ont également salué le rôle de CAP, qui favorise un dialogue constant et constructif entre élus et ONG pour inscrire durablement la condition animale dans l’agenda politique.
Présentation des propositions d’amendements des ONG
Plusieurs ONG partenaires de CAP ont ensuite pris la parole pour présenter leurs propositions d’amendement “clés en main” afin d’inscrire la protection animale dans le Projet de loi de finances.
Nicolas Bureau, responsable des affaires publiques de la LFDA a choisi de mettre en avant un angle encore trop souvent négligé : la pêche. L’association propose de financer un programme de recherche scientifique spécifiquement consacré à la réduction des souffrances des poissons capturés dans la pêche commerciale.
« Nous devons accélérer la transition vers une recherche innovante et sans animaux », a plaidé Helder Constantino, directeur des politiques de recherche chez Humane World for Animals Europe (HWA), en défendant un amendement pour développer des méthodes scientifiques alternatives à l’expérimentation animale. Sa collègue Capucine Meyer, consultante pour HWA, a présenté de son côté un amendement pour instaurer une redevance pour l’importation de trophées issus d’espèces protégées, pratique encore légale en France.
Sur la question de la captivité, Alexandra Morette, présidente de Code Animal, plaide pour rétablir le taux de TVA à 10 % sur l’entrée dans les zoos, avec un fléchage des recettes vers les structures d’accueil d’animaux. « Depuis 2017, les parcs zoologiques bénéficient d’un traitement de faveur par rapport aux autres secteurs culturels ou de loisirs, comme les parcs botaniques ou les musées », a-t-elle rappelé, en soulignant que la Commission des finances s’était déjà opposée à cet abaissement représentant une perte de plus de 7 millions d’euros par an pour les caisses de l’État».
Pour Benoît Thomé, président d’Animal Cross, la priorité est de soulager les associations en difficulté en les exonérant de TVA sur les médicaments vétérinaires et les croquettes. Une mesure déjà adoptée en commission l’an dernier, mais finalement écartée par le recours au 49.3.
Alix Mennella, responsable de plaidoyer pour l’Association Végétarienne de France, a présenté aux parlementaires un amendement demandant l’instauration d’une taxe sur les importations de produits forestiers ou agricoles non durables, afin de lutter contre la déforestation importée, et contribuer au respect des engagements écologiques de la France.
Enfin, l’APRAD a alerté sur l’urgence d’agir face à la prolifération des chats non stérilisés. L’ONG plaide pour la création d’un crédit d’impôt afin d’encourager et de soutenir les propriétaires dans la stérilisation de leurs animaux.
Les parlementaires ont ensuite pu répondre aux questions des ONG présentes dans la salle. La Rencontre s’est conclue par un moment convivial autour d’un buffet, favorisant les échanges informels et le renforcement des liens entre acteurs politiques et associatifs.





Le replay de cette table ronde sera bientôt disponible sur notre chaîne Youtube.
Cette 19e Rencontre CAP aura permis de nourrir le dialogue et d’ouvrir des perspectives de travail commun pour la séquence budgétaire imminente.
Convergence Animaux Politique poursuivra son travail de coordination et d’interpellation auprès des pouvoirs publics pour garantir l’effectivité des engagements pris et accompagner l’adoption de nouvelles mesures législatives.