Ce mercredi 18 juin 2025, Convergence Animaux Politique (CAP) a organisé à Paris sa 18e Rencontre entre ONG et parlementaires intitulée : “Faune sauvage captive : quelles solutions pour faire appliquer la loi et obtenir de nouvelles avancées ?”
4 ans après l’adoption par CAP et ses partenaires d’une loi historique visant à mettre fin à la captivité des animaux sauvages utilisés pour le divertissement (cirques itinérants, delphinariums, montreurs d’ours et de loups etc), des centaines d’animaux sauvages (fauves, cétacés, primates…) restent prisonniers de leurs cages. Alors que plusieurs mesures doivent être mises en œuvre avant la fin du quinquennat, le Gouvernement freine la transition et multiplie les dérogations qui permettent de contourner la loi. Il n’y a pas assez de place dans les refuges et sanctuaires pour accueillir tous les animaux qui doivent être libérés.
Face à l’urgence de la situation, CAP a décidé de réunir autour d’un événement inédit 4 ONG spécialistes de la faune sauvage captive – Code Animal, AVES France, La Fondation Droit Animal Éthiques et Sciences et QUATRE PATTES – et la députée Danielle Simonnet, co-rapporteure de la mission d’application de la loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 contre la maltraitance animale. L’objectif : formuler des propositions concrètes aux parlementaires pour accentuer la pression sur le Gouvernement.
Retrouvez ci-dessous les photos, le résumé vidéo de l’événement et le replay de la table ronde.
Une vingtaine de parlementaires étaient présents, parmi eux les députés Michel Castellani (LIOT), Gabriel Amard (LFI), le sénateur Guy Benarroche (ECO), les collaborateurs des députés d’Anne Stambach-Terrenoir (LFI), Ersilia Soudais (LFI), Charles Fournier (ECO), Sébastien Saint-Pasteur (PS), Marie-Charlotte Garin (ECO), Bastien Lachaud (LFI), ainsi que les collaborateurs du sénateur Bernard Jomier (PS). D’autres personnalités comme Ghalia Mercier, co-animatrice du groupe condition animale de la France Insoumise ou Manon Thore, cheffe de cabinet de Christophe Najdovski, élu à la condition animale à la mairie de Paris, ont répondu favorablement à notre invitation.








Melvin Josse, directeur de CAP, est revenu en introduction sur l’enjeu autour de cette loi initiée par CAP et ses ONG partenaires : “C’était une victoire historique pour la protection animale, avec des mesures concrètes qui permettaient de réellement sauver ou changer la vie des animaux concernés. Mais le travail collectif sur ce texte n’est pas terminé, car nous devons maintenant veiller au suivi et à l’application réelle de cette loi”.

Table ronde : Animaux sauvages captifs : quelles solutions pour faire appliquer la loi et obtenir de nouvelles avancées ?
Animée par Milton Federici, responsable des affaires publiques chez CAP, cette table ronde composée de la députée Danielle Simonnet, AVES, Code Animal, la LFDA et QUATRE PATTES a permis de dresser un état des lieux de la condition des animaux captifs en France, et surtout de proposer des solutions clés en mains aux parlementaires pour agir.
Quelle application pour la loi contre la maltraitance animale de 2021 ?
Engagée de longue date en faveur de l’amélioration de la condition animale, la députée Danielle Simonnet a ouvert la discussion en revenant sur son expérience de co-rapporteure en 2022 de la mission d’application de la loi n°2021-1539 du 30 novembre 2021 contre la maltraitance animale. Ce travail pointait déjà les carences de l’Etat dans sa mise en œuvre, et surtout son manque d’anticipation. Par exemple, sur la question du certificat d’engagement à obtenir pour acquérir un animal de compagnie, rien a été prévu pour prévenir les surcoûts des refuges qui doivent conserver plus longtemps les animaux. Une bataille budgétaire est à engager lors du prochain Projet de loi de finances afin que le Gouvernement alloue enfin les moyens nécessaires à l’application réelle de la loi.
Deux annonces clés ont également été faites par la députée :
- une demande officielle à la Présidente des affaires économiques afin d’obtenir la création d’une mission d’évaluation sur la loi ;
- l’élaboration d’une proposition de loi contre l’exploitation animale dans le cinéma.
La problématique des bourses aux nouveaux animaux de compagnie
Alexandra Morette, responsable des relations publiques pour Code Animal, a pu mettre en évidence une pratique encore légale mais profondément controversée, celle de la bourse aux nouveaux animaux de compagnie (NACs). Ces marchés d’animaux exotiques (principalement des serpents, tortues, oiseaux et amphibiens) organisés par des associations de NACs continuent de banaliser la détention d’animaux sauvages malgré les risques en matière de bien-être animal, de santé publique, de biodiversité et de lutte contre le trafic. Cette pratique va totalement à l’encontre des efforts actuels pour promouvoir une relation plus respectueuse entre humains et animaux.
Par ailleurs, L’OFB fait face à de grandes difficultés pour assurer les contrôles, gérer les saisies, et orienter les animaux vers des structures d’accueil adaptées. À cela s’ajoute un manque criant de données fiables : il n’existe aujourd’hui aucun chiffre précis sur le nombre d’animaux concernés, ni de traçabilité efficace.

Enquête de Code Animal, 2024.
Concernant les serpents, la situation est particulièrement alarmante. Ils sont détenus dans de simples boîtes en plastique, si petites que l’animal ne peut même pas s’y retourner. Moins de 10 % des espèces de serpents sont aujourd’hui protégées par la CITES. Malheureusement, « ce ne sont pas des animaux charismatiques : ce sont des animaux dont tout le monde se fout », rapporte Alexandra, expliquant le manque criant de considération pour ces animaux.
Code Animal plaide donc pour une interdiction générale des bourses aux NAC, par l’ajout d’un article spécifique dans le Code de l’Environnement. Cette interdiction constituerait une mesure cohérente, attendue et justifiée.
La détention d'animaux sauvages sans présentation au public
La France a franchi une étape historique en interdisant les spectacles itinérants mettant en scène des animaux non domestiques à partir de décembre 2028. Toutefois, cette interdiction pourrait être contournée par certains dresseurs, qui chercheraient à transformer leurs structures mobiles en établissements sans présentation au public.
Christophe Coret, président d’AVES, alerte sur cette dérive : plusieurs anciens montreurs d’ours et de loups ayant cessé les spectacles conservent leurs animaux dans des conditions souvent inadaptées, voire poursuivent leur élevage, loin des regards et avec peu de contrôle des autorités. « Dans ces établissements, les associations ne peuvent pas alerter sur les conditions de détention des animaux, c’est à huit clos : pas de public, pas d’image ». Certains de ces animaux ont été aussi reconvertis dans les tournages pour le cinéma, la publicité ou des clips vidéos.
En totale contradiction avec la loi de 2021, ces structures entretiennent une logique de captivité motivée par le profit ou le divertissement. Pour endiguer cette pratique, il est urgent de :
- Mettre en place des contrôle inopinés ;
- Demander au ministère de la Transition écologique de lancer un audit national pour recenser et évaluer tous les établissements existants, leur statut juridique et le nombre d’animaux détenus ;
- S’appuyer sur ce diagnostic pour d’une part, s’interroger collectivement sur l’intérêt d’avoir ce genre de structures sans but pédagogique et, d’autre part, préparer une initiative législative ambitieuse, visant à interdire la détention, dans ces établissements, des espèces classées (c) de l’annexe II de l’arrêté du 8 octobre 201
La transition effective vers des cirques sans animaux sauvages
Même si la loi prendra pleinement effet en 2028, certains articles, comme l’article 46 qui prévoit l’interdiction de l’acquisition, de la commercialisation et de la reproduction des animaux sauvages, sont déjà en vigueur depuis le 1er décembre 2023. Malheureusement, des naissances de félins sont encore signalées dans les cirques, et aucun texte ne prévoit de sanctions en cas de non-respect. Le cadre réglementaire actuel demeure donc insuffisant pour garantir l’effectivité de la loi pour Nikita Bachelard, responsable des programmes chez QUATRE PATTES.

Lionceau né en captivité en août 2024, alors que la loi contre la maltraitance animale interdit leur reproduction dans les cirques.
Par ailleurs, le décret n° 2025-396 du 30 avril 2025 prévoit des aides financières destinées à accompagner les cirques souhaitant s’installer en structures fixes. Cela soulève à la fois la question de l’usage de l’argent public, et celle du maintien de pratiques de dressage contraires à l’esprit de la loi, qui exige un accueil des animaux dans des conditions respectueuses de leur bien-être. La priorité devrait être donnée à la création de places en sanctuaires et à un accompagnement actif à la cession de tous les animaux.
Pour assurer une transition pérenne en 2028, QUATRE PATTES appelle donc à :
- renforcer les contrôles, faire respecter l’interdiction de reproduction et d’acquisition et prévoir des sanctions réglementaires claires en cas d’infractions ;
- obtenir des données fiables sur les animaux et les besoins en sanctuaires ;
- financer le fonctionnement des refuges et sanctuaires ;
- conditionner les aides aux cirques à un engagement à se séparer de tous leurs animaux sauvages.
La révision de l'arrêté de 2024 sur les cétacés
L’arrêté du 28 juin 2024 qui fixe les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à héberger des spécimens vivants de cétacés était censé moderniser un cadre obsolète datant de 1981. Pris en application de la loi de 2021, ce texte présente toutefois, selon Nicolas Bureau, responsable des affaires publiques à la LFDA, plusieurs failles réglementaires préoccupantes, voire illégales, parmi lesquelles :
- La détention de cétacés dans le cadre de programmes scientifiques reste autorisée après 2026, sans définition ni critère précis. Ce flou pourrait ouvrir la voie à des programmes fictifs, comme l’avait déjà souligné le rapport d’application de la loi en 2022.
- Les critères relatifs à la taille, la profondeur et la qualité de l’eau, pourtant présents dans l’arrêté de 1981 et le projet de 2017, ont été supprimés. La LFDA craint donc une dégradation des conditions de détention.
- Présentation au public toujours possible : Certaines formes de « mise en scène » sont autorisées si elles relèvent de comportements naturels, ce qui peut facilement permettre le maintien de spectacles déguisés.
- Reproduction non interdite : Contrairement à la recommandation du Conseil National de la Protection de la Nature, la reproduction des grands dauphins captifs reste autorisée, en contradiction avec l’esprit de la loi.
La LFDA appelle donc les parlementaires à interpeller le ministère de la Transition écologique et à exiger une modification urgente de cet arrêté, afin qu’il garantisse une véritable protection des cétacés.







Les échanges se sont ensuite poursuivis autour de la mise en place d’une liste positive d’espèces non domestiques que les particuliers seront autorisés à détenir. Cette disposition, pourtant prévue par la loi, n’est toujours pas appliquée en l’absence de texte réglementaire émanant du ministère de la Transition écologique. Une mission est toutefois en cours pour en définir les modalités. Un tel outil représenterait une réelle avancée, tant pour la préservation de la biodiversité que pour l’efficacité des services de l’État dans la lutte contre le trafic illégal.
Danielle Simonnet est ensuite revenue sur le rôle de la commission faune sauvage captive, chargée d’émettre des avis consultatifs à destination du ministère. Malheureusement, cette commission est composée en majorité de personnes qui ont intérêt à voir continuer la captivité des animaux sauvages (4 ONG contre 18 exploitants exploitants de la faune sauvage captive), ce qui soulève de sérieuses préoccupations en matière de conflit d’intérêt.
Enfin, la question de l’utilisation d’animaux sauvages dans les productions audiovisuelles a également été soulevée, avec un risque que les animaux concernés soient envoyés à l’étranger. Il est indispensable de prolonger le dialogue entrepris avec le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) afin d’orienter les financements publics. vers des productions recourant à des alternatives éthiques (effets spéciaux, images de synthèse, archives…). L’évolution des pratiques dépendra à la fois de l’implication des grands financeurs du secteur et d’une véritable bataille culturelle. À terme, il est probable que le public lui-même en vienne à rejeter l’usage d’animaux sauvages dans ces productions.
Le replay de cette table ronde est disponible sur notre chaîne Youtube.
Cette 18ème Rencontre CAP a permis d’identifier de nouveaux leviers d’action législatifs (questions au Gouvernement, création d’une commission d’enquête, amendements, proposition de loi etc), afin de poursuivre le travail engagé pour protéger efficacement les animaux sauvages captifs en France.
Convergence Animaux Politique poursuivra son travail de coordination et d’interpellation auprès des pouvoirs publics pour garantir l’effectivité des engagements pris et accompagner l’adoption de nouvelles mesures législatives