Mercredi 26 octobre, à Paris, lors du 12ème événement organisé par Convergence Animaux Politique, une trentaine de parlementaires, élus locaux et ONG se sont rassemblés pour échanger sur le thème de l’alimentation responsable.
Restauration collective, éducation, formation : les intervenants ont permis aux décideurs politiques d’identifier des leviers d’action efficaces pour favoriser la transition vers un modèle alimentaire durable.
Parmi eux, étaient notamment présents et représentés les députés Olivier Falorni, Danielle Simonnet, Sandrine Rousseau, Aymeric Caron, Bastien Lachaud, Anne Stambach-Terrenoir, Marie-Charlotte Garin, Ersilia Soudais, Eléonore Caroit, le sénateur Arnaud Bazin, la sénatrice Brigitte Devésa, ainsi que des élus de Paris (11ème et 18ème arrondissements), Ivry, Montpellier, Montreuil et Grenoble.
Découvrez ci-dessous la vidéo bilan de l’événement ainsi que le replay des interventions, suivi d’un résumé des échanges de la matinée.
1) La restauration collective : levier majeur de la transition alimentaire
Résumé de l’intervention d’Élodie Vieille-Blanchard, Présidente de l’Association Végétarienne de France.
Le modèle agro-alimentaire actuel a des impacts néfastes sur l’environnement, la biodiversité et la santé publique. Il est donc urgent d’adopter une alimentation responsable, s’appuyant en priorité sur le levier végétal pour réduire efficacement l’empreinte environnementale.
La restauration collective permet d’accélérer cette transition, grâce au nombre de repas servis (3 milliards par an), à sa portée éducative et à l’implication des services publics.
La loi EGAlim (2019) et la loi Climat et résilience (2021) ont d’abord permis l’introduction d’une option végétarienne hebdomadaire obligatoire puis d’une option végétarienne quotidienne (en phase d’expérimentation) dans les cantines scolaires. Cependant, elles sont encore bien trop souvent incomprises, mal appliquées ou ignorées sur le terrain.
2) Une option végétarienne quotidienne dans la restauration scolaire
Résumé de l’intervention de Keyvan Mostafavi de l’association Assiettes Végétales.
Augmenter la fréquence des repas végétariens est la meilleure façon de limiter l’empreinte carbone de la restauration collective tout en garantissant l’équilibre nutritionnel des repas. Les autorités scientifiques appuient le développement des repas végétariens dans les cantines (voir les rapports de l’ANSES et l’INRAE).
Sur le terrain, l’option végétarienne hebdomadaire est bien accueillie : 20% des collégiens et 27% des lycéens font le choix du menu végétarien (voir le rapport du CGAAER de mars 2021).
Parmi les autres bénéfices observés :
- Les repas végétariens cuisinés, moins chers pour la collectivité, encouragent le fait-maison.
- Les économies réalisées permettent aux cantines d’acheter de la viande bio (voir le rapport 2021 de l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable).
3) Éducation et alimentation durable : des repères scientifiques et éthiques indispensables
Résumé de l’intervention de Marie-Laure Laprade et Anne-Laure Meynckens, Présidente et Vice-présidente de l’association Education Ethique Animale.
L’alimentation fait partie intégrante des programmes scolaires et de l’Éducation au Développement Durable. C’est pourquoi, il est nécessaire de :
- Prendre en compte les dernières données scientifiques pour actualiser les supports de connaissances. Exemple présenté dans la vidéo : la pyramide alimentaire.
- Renforcer la formation des différents acteurs de l’enseignement (les professeurs, le personnel d’encadrement, les agents administratifs ou techniques…) via deux leviers : les plans académiques de formation et les collectivités territoriales, qui font souvent appel à des partenaires.
- Mettre fin à l’intervention de groupes d’intérêts privés dans les écoles, comme le rapporte l’inspection générale de l’Education nationale. Exemples présentés dans la vidéo : Interbev, Danone, Fleury Michon…
Plusieurs médias se sont récemment emparés de ces questions : voir notre Revue de presse.
4) Premiers retours d’expérience de la mairie du 11ème arrondissement de Paris
Résumé de l’intervention de Grégory Moreau, Adjoint au Maire du 11ème arrondissement de Paris, chargé de l’alimentation durable, de la condition animale et de la propreté.
Une expérimentation de l’option végétarienne quotidienne a été lancée récemment dans 5 établissements scolaires du 11ème arrondissement. L’occasion de réaliser un premier retour d’expérience terrain sur sa mise en place.
Le résultat du sondage réalisé auprès des familles montre que 88% est favorable à l’option végétarienne hebdomadaire, et une famille sur deux est favorable à une option végétarienne quotidienne.
Les repas végétariens sont élaborés par un nutritionniste, en concertation régulière avec les chefs cuisiniers et font l’objet d’une évolution empirique. « Dans l’ensemble la plupart des plats testés ont été un succès. »
Parmi les bénéfices attendus :
- Un repas laïc convenant à chacun, c’est une motivation supplémentaire pour les cantines publiques.
- Limiter le gâchis, essentiellement sur la viande et le poisson [ADEME, 2018, sur 850 restaurants collectifs].
- Réaliser une économie, estimée à environ 25% [Observatoire de la restauration collective bio durable, 2020, sur 6000 cantines interrogées].
Résumé des échanges entre les participants
Carole Chavanne (collaboratrice parlementaire) : Dans ma commune, il y a beaucoup d’appréhension du côté des parents, qui vient notamment du sentiment de payer la même chose pour avoir moins.
Douchka Markovic (élue du 18ème arrondissement) : La notion de choix est très importante : rappeler qu’il s’agit d’une option, ça permet aux familles de ne pas se sentir lésées, de contrer l’idée que « si on enlève le steak, il ne reste que les frites ». Il doit y avoir un vrai travail sur les recettes également. Si on choisit de recourir à un prestataire externe, on doit veiller à garantir la qualité et la traçabilité. Cela implique aussi une vigilance accrue pour s’assurer que l’entreprise prestataire n’augmente pas ses profits en retirant la viande sans la remplacer.
Sandra Krief (conseillère municipale à Grenoble) : Dans notre ville, on en est presque à 2 options végétariennes par semaine. Nous avons simplifié l’offre de menus, basée sur ces 3 alternatives : viande, poisson et végétale. Nous avons mis en place une communication spécifique en rappelant que pour des raisons éthiques, environnementales, de condition animale, notre ville favorise le choix de l’alternative végétale.
Romain Zavallone (conseiller municipal à Ivry) : À Ivry, en 2019, nous avons été accompagnés par des ONG pour mettre en place le repas végétarien hebdomadaire, avec des recettes clés-en-main, des formations, etc. Cela nous a permis aussi d’apporter du sens et de redonner de la valeur au travail des cuisiniers. Afin de favoriser le choix de l’option végétarienne, on peut aussi faire en sorte de mettre en avant celle-ci en premier sur le menu présenté.
Education Ethique Animale : Les enseignants peuvent aussi demander aux Agences Régionales de Santé d’intervenir dans les écoles sur le sujet de l’alimentation végétale. Il est important que les élèves comprennent pourquoi on leur propose un menu végétarien à la cantine. La pédagogie se fait aussi souvent des enfants vers les parents.
Catherine Dehay (adjointe à la mairie de Montreuil) : On a un maire très motivé sur cette question de transition alimentaire mais le premier argument ou frein chez nous vient de l’idée que « c’est le seul repas que certains enfants font et donc les priver de viande, c’est discriminant »
Grégory Moreau (adjoint au maire du 11ème arrondissement de Paris) : c’est une idée reçue à lever, études à l’appui, en réalité ce sont les familles les plus modestes qui consomment aujourd’hui le plus de protéines animales. Le nutritionniste a un rôle essentiel à jouer dans les écoles pour expliquer l’équilibre nutritionnel du repas végétarien.
AVF : Il y a beaucoup à dire sur la question de la culture alimentaire française. On a envie de faire évoluer la loi mais aussi les pratiques ! Il y a en effet des difficultés culturelles car on a beaucoup de retard dans les discours nutritionnels. Il faudra du temps pour former les professionnels de santé, et les formations dédiées commencent seulement à apparaître (exemple à l’université Paris Sorbonne).
Cédric Villani (ancien député): Culturellement et politiquement, c’est beaucoup plus simple de faire la transition sur l’habitat et la mobilité. Alors que techniquement et financièrement, c’est moins complexe à réaliser sur la question alimentaire. On met l’accent uniquement sur le gaspillage alimentaire, la réduction des déchets… C’est quand même incroyable qu’en 2022 il n’y ait pas de recommandations officielles des autorités sur le régime et l’équilibre alimentaire végétarien
Danielle Simonnet (députée) : Dans le rapport à la nourriture, il ne faut pas oublier le rapport au plaisir : laisser les enfants goûter, déguster ! Il faut également permettre aux agents d’être fiers de leur travail. Il y a un vrai enjeu de valorisation des agents, d’abord financièrement, mais aussi en sortant des repas industrialisés pour revenir à la cuisine dans les cantines.
Sandra Krief (conseillère municipale à Grenoble) : La diététicienne doit aussi jongler avec les exigences nationales.
AVF : Il y a beaucoup de confusion chez les diététiciens entre la réglementation et les guides existants (par exemple celui du GEMRCN) qui ne comportent aucune obligation. Nous avons réalisé un webinar à ce sujet pour leur permettre de différencier les normes et les contraintes existantes de toutes les recommandations.
Cédric Villani (ancien député) : Le regard des élus de terrain est précieux pour comprendre que le diable se cache dans les détails.
Cette Rencontre CAP a donc permis aux parlementaires de bénéficier une nouvelle fois de l’expertise des ONG et des retours d’expérience d’élus locaux, afin d’identifier les prochaines actions politiques pour favoriser la transition vers une alimentation responsable.
Crédit photos : Michel Pourny