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Rencontre CAP du 18 mai 2022

Le mercredi 18 mai, à Paris, CAP organisait son 11ème événement politique autour de la condition animale, rassemblant une dizaine d’ONG et une trentaine de décideurs politiques et candidats aux législatives, parmi lesquels Arnaud Bazin (sénateur LR), Brigitte Devésa (sénatrice UDI), Aymeric Caron (REV/NUPES) et Jean-Marc Governatori (Ecologie au centre).

La thématique de l’événement portait sur la protection des animaux de compagnie, ainsi que la constitutionnalisation de la protection animale. Les ONG ont présenté 6 enjeux majeurs à adresser dans le cadre de ce nouveau quinquennat et formulé des propositions concrètes visant à inspirer l’action des décideurs politiques et des candidats.

1 – Intégrer la protection animale dans la Constitution 

« Si demain le respect de l’animal devient un principe supérieur, aucun tribunal ne sera plus censé l’ignorer. » Charlotte Arnal, fondatrice de l’association Humanisma et auteure. 

Alors qu’Emmanuel Macron entend poursuivre la réforme constitutionnelle entamée lors de son premier mandat, Charlotte Arnal propose d’inscrire un article relatif à la protection animale dans la Constitution. Cette évolution du droit aurait une portée symbolique forte mais peu d’effets directs à court terme. Son interprétation serait laissée aux juges et pourrait faire évoluer la jurisprudence dans le sens d’une meilleure protection des animaux. Selon Charlotte Arnal, « l’histoire s’écrira ensuite dans les tribunaux ». Une formulation d’article a déjà été suggérée par Olivier Le Bot, dans son étude comparée du droit constitutionnel animal : « Les animaux étant des êtres sentients, leur vie et leur bien-être doivent être respectés. »
Cette proposition présente l’avantage de protéger les espèces animales de manière plus homogène, quelle que soit leur classification ou espèce. Elle remporterait l’adhésion de la majorité des citoyens (77% d’entre eux se disent favorables à l’intégration de la protection animale dans la Constitution) et n’impliquerait aucun coût pour l’Etat. L’association Humanisma attire donc l’attention des décideurs politiques et des candidats sur la nécessité d’inscrire cette révision constitutionnelle à l’ordre du jour de la nouvelle Législature. 

2 – Mettre en oeuvre la loi visant à lutter contre la maltraitance animale

« Il est urgent de publier les textes des décrets d’application envisagés pour permettre aux associations de s’organiser.» Florian Sigronde, ingénieur chargé de mission pour la Confédération Défense de l’Animal. 

Le 30 novembre 2021, la loi visant à lutter contre la maltraitance animale a été adoptée par le Sénat. Depuis cette date, aucun décret d’application n’a été publié par le gouvernement pour préciser le calendrier, les outils et les moyens alloués à la mise en place de cette loi. En l’absence de ces textes, d’après Florian Sigronde, « la loi votée s’apparente à une coquille vide ».

De nombreuses questions demeurent en suspens et certaines dispositions impacteront fortement les associations de protection animale en termes d’organisation et de gestion humaine et financière. Parmi les exemples mentionnés :

  • L’article n°1 prévoit une attestation de connaissance et d’engagement, spécifique à chaque espèce, pour la détention d’animaux de compagnie et de loisir. Comment sera délivrée cette attestation ? Quel sera son contenu ? Y aura-t-il un dispositif de contrôle et de sanctions ? Florian Sigronde rappelle que le processus doit être simple, rapide et gratuit pour faciliter le travail des associations. Par ailleurs, « l’attestation est un pré-requis mais les refuges doivent rester décisionnaires pour confier ou non un animal à quelqu’un. »
  • L’article n°9 prévoit la transmission d’informations des associations aux pouvoirs publics sur les capacités d’accueil et le suivi sanitaire des animaux. Les coûts associés au développement ou à l’adaptation des logiciels existants ainsi que la formation des usagers pourront-ils être pris en charge par l’Etat ? Les associations demandent à être impliquées dans la construction de la solution afin de garantir un usage adapté aux contraintes du terrain, notamment en termes de temps de recueil et de saisie des données par les salariés et bénévoles.

La Confédération Défense de l’Animal demande donc au gouvernement de donner de la visibilité aux associations pour leur permettre d’anticiper les changements à venir et de les impliquer dans le travail de réflexion sur la mise en œuvre de la loi, qui semble pour le moment inexistant.

3 – Améliorer la condition des animaux victimes d’actes de maltraitance ou de cruauté

« Un animal maltraité peut rester des mois voire des années au refuge, privé d’un nouveau foyer : c’est la double peine pour l’animal. » Florian Sigronde, ingénieur chargé de mission pour la Confédération Défense de l’Animal. 

La loi visant à lutter contre la maltraitance animale a permis de renforcer les sanctions en cas d’actes de maltraitance ou de cruauté sur un animal (25 000 signalements par an). Cependant, la durée de procédure judiciaire et les frais à engager pour assurer la prise en charge des animaux victimes mettent les refuges en grande difficulté. D’autant que l’animal ne peut pas être placé à l’adoption avant que le jugement final soit rendu : il est condamné à attendre la fin de la procédure judiciaire pour trouver un nouveau foyer. Pourtant, en tenant compte du fait qu’il s’agit d’un être vivant, une procédure accélérée pourrait être engagée. C’est pourquoi la Confédération Défense de l’Animal recommande de raccourcir le délai de procédure à 6 mois et demande à l’État de contribuer financièrement aux soins prodigués aux animaux maltraités car « nos associations réalisent ici une mission de service publique ».

4 – Soutenir les refuges pour équidés

La situation et le devenir des refuges équins sont particulièrement préoccupants. L’impossibilité de prendre en charge l’ensemble des signalements, la maltraitance et les abandons dont sont victimes les chevaux, poneys et ânes, ou encore les coûts liés à leurs prises en charge, sont tels qu’il est quasiment impossible à ce jour, pour les associations de prendre en charge l’ensemble des animaux.

Face à l’urgence de la situation, la Confédération Défense de l’Animal propose trois mesures à adopter rapidement : 

  • la création de centres d’hébergement d’urgence et temporaire, à l’image des fourrières pour les animaux de compagnie. 
  • le développement d’un fonds dédié à la protection des équidés, financé par les filières équines et les usagers (équitation, course, etc.)
  • la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation nationales, couplées à une formation portant sur les besoins de ces animaux, les coûts d’entretien et les responsabilités du propriétaire. 

5 – Réformer la filière canine et renforcer la prévention contre les abandons et les agressions

« La peur des chiens se développe et divise notre société : c’est le résultat de politiques publiques coercitives inadaptées. Les racines du problème n’ont pas été traitées. » Isabelle Vieira, Vétérinaire Comportementaliste et Présidente Fondatrice de l’association Le Chien Mon Ami

7,7 millions de chiens sont présents en France aujourd’hui : c’est 30% de moins qu’il y a 20 ans et pourtant… nous ne parvenons pas à lutter efficacement contre les abandons et les agressions. Qu’il s’agisse d’usines à chiots ou de particuliers indélicats, les conditions d’élevage de ces animaux ne respectent pas leurs besoins fondamentaux et éthologiques, et laissent place à des troubles du comportement parfois irréversibles.

Pour améiorer le bien-être des chiens et la sécurité des humains, suivant le dernier rapport de l’Anses, l’association Le Chien Mon Ami a formulé 10 propositions visant à réformer la filière canine et renforcer la prévention :

  • Abroger la loi « chiens dangereux ».
  • Maintenir les évaluations comportementales après morsures.
  • Travailler en lien avec les écoles nationales vétérinaires sur le contenu de l’attestation de connaissances votée.
  • Travailler sur l’enseignement de l’éthique animale dans les écoles.
  • Travailler sur la refonte de la filière de l’éducation canine : formations, diplômes, responsabilités.
  • Parcs canins dans toutes les grandes agglomérations.
  • Interdire la vente et l’utilisation des colliers étrangleurs et électriques.
  • Meilleur contrôle du bien-être animal dans les élevages par les DDPP.
  • Admission des chiens dans les transports dans de meilleures conditions (bus, trains, avions).
  • Admission des chiens dans les établissements de soins et en entreprise.

 

6 – Encadrer la détention des animaux sauvages exotiques par les particuliers 

« Nous devons nous interroger éthiquement sur le fait de priver un animal sauvage de son milieu naturel pour le détenir enfermé dans un appartement. » Alexandra Morette, Présidente de l’association Code Animal.

D’après un sondage réalisé en 2020, 87 % des Français pensent que les animaux sauvages ne devraient pas être détenus comme animaux de compagnie. Pourtant, ces dernières années, nous avons observé une hausse non négligeable d’animaux sauvages détenus par des particuliers en France et en Europe. Le terme de « Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) » a émergé dans la société, sans qu’aucune réglementation ne précise sa définition. Les problèmes engendrés par ce phénomène sont multiples : 

  • Le bien-être animal est mis à mal. Les animaux sauvages ont des besoins spécifiques qui ne peuvent être respectés en captivité chez les particuliers. Alors que l’Union européenne est le deuxième plus gros importateur de reptiles vivants dans le monde, des rapports scientifiques ont estimé que 75 % des reptiles mouraient dans la première année de leur acquisition par un particulier (1).
  • Le risque de zoonoses est augmenté. 71,8 % des zoonoses qui apparaissent proviendraient de la proximité avec les animaux sauvages exotiques et représentent une véritable menace à l’échelle mondiale pour la santé (2)
  • Le développement des espèces invasives est favorisé : il s’agit d’une cause majeure pour l’effondrement de la biodiversité. La gestion des espèces exotiques invasives coûte environ 12 milliards d’euros/an à l’UE et 38 millions d’euros/an à la France. (3)
  • Le trafic faunique est encouragé : la plupart des espèces sauvages exotiques sont issues du trafic faunique international avec un réseau structuré de la capture au blanchiment d’origine des espèces à la vente. La reproduction et la vente entre particuliers entretiennent ce trafic.

Pour y remédier, l’association Code Animal propose de mettre en place une liste positive des espèces autorisées à la détention chez les particuliers. Un exemple est déjà effectif depuis 10 ans en Belgique avec une liste positive de 42 espèces autorisées à la détention. Toutes les espèces qui ne sont pas sur la liste sont interdites à la détention, sauf rares exceptions encadrées strictement par la réglementation en vigueur. Ce principe a été introduit en France dans la loi visant à lutter contre la maltraitance animale du 30 novembre 2021, mais il reste à définir des critères objectifs et scientifiques (bien-être animal, impact environnemental, sécurité publique et sanitaire, etc.) pour garantir son efficacité. 

Suite à la présentation de ces enjeux liés à la protection des animaux de compagnie et à la gouvernance, les échanges entre les ONG et les décideurs politiques se sont poursuivis autour d’un petit déjeuner. Dans le cadre de la campagne des législatives, plusieurs représentants de partis (REV et Ecologie au centre) et candidats présents à l’événement ont également signé la charte Engagement Animaux 2022

[1] Toland E. et al – The Exotic Pet Trade: Pet hate 2012; Warwick E. The Mortality of the Reptile “Pet” Trade; 2014
[2] Numéro 451 de Nature pp. 990-994 « Global Trends in emerging infestious diseases »
[3] (Communication from the commission to the European Parliament, the Council and the European Economic and Social Committee 2008 – COM 789)