Mercredi 25 octobre, à Paris, lors du 15ème événement organisé par Convergence Animaux Politique, une trentaine de parlementaires et d’élus locaux ont échangé avec 12 ONG sur la protection des animaux sauvages et de la biodiversité.
Parmi eux, étaient notamment présents et représentés les députés Corinne Vignon (REN), Bastien Lachaud (LFI), Lisa Belluco (EELV), Charles Fournier (EELV), Sylvie Ferrer (LFI), Hubert Ott (MoDem), Andy Kerbrat (LFI), ou encore les sénateurs Arnaud Bazin (LR), Daniel Salmon (EELV) et Samantha Cazebonne (RDPI).
Chasse à courre, grands prédateurs, vénerie sous terre, libre évolution : les intervenants ont permis aux décideurs politiques d’identifier des leviers d’action efficaces pour favoriser une meilleure prise en considération des intérêts des animaux sauvages dans leur coexistence avec les activités humaines, à l’heure de la sixième extinction de masse.
Découvrez la vidéo bilan et le résumé de l’événement !
Table ronde n°1 sur la chasse : comment mieux prendre en compte les attentes sociétales ?
La chasse est une question qui subit depuis longtemps une forme de tabou en politique, et le lobby cynégétique a su jusqu’ici empêcher tout débat démocratique. Pourtant, comme le révèle le sondage Ipsos pour One Voice publié en octobre 2023, la vaste majorité des Français approuve désormais les mesures d’interdiction ou de contrôle de la chasse. Les chasses traditionnelles figurent parmi les pratiques les plus contestées. « Nous comptons donc sur les parlementaires pour s’emparer de ces enjeux et permettre qu’ils soient enfin débattus dans l’Hémicycle. » (Melvin Josse, Convergence Animaux Politique)
Lors de cette première table ronde, 4 enjeux majeurs ont été abordés par les ONG :
1) Interdire la vénerie sous terre du blaireau ou au minimum les périodes de chasse complémentaires.
Pour Christophe Coret (AVES France), « il faut questionner systématiquement l’intérêt de la chasse et imposer aux préfectures de justifier leurs arrêtés. L’argument de la régulation est souvent fallacieux. Les blaireaux sont souvent déterrés en pleine forêt et non à proximité des zones agricoles. »
2) Abolir la chasse à courre
D’après Stan Broniszewski (AVA) : « C’est une question de civilisation : l’humanité a évolué. La souffrance animale générée par cette pratique n’est plus acceptable, tout comme les nuisances et les risques associés pour les habitants et les usagers. »
3) Classer la marmotte en espèce protégée non chassable
Selon Pauline di Nicolantonio (AJAS), « La chasse à la marmotte met en danger la survie d’une espèce emblématique et génère des conflits d’usages en montagne entre chasseurs et randonneurs. » Le Conseil scientifique de la Vanoise, dans un avis de mai 2023 a souligné l’extrême vulnérabilité des marmottes face au réchauffement climatique.
4) Interdire les actes de cruauté envers les animaux sauvages en liberté
Nikita Bachelard (LFDA) a souligné l’incohérence du droit français qui punit pénalement les sévices graves et actes de cruauté envers les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité, sans condamner les mêmes actes commis envers les animaux sauvages en liberté. Un sondage IFOP a révélé que 85 % des Français sont favorables à l’extension de l’interdiction des actes de cruauté envers les animaux sauvages en liberté. « Des normes ont été établies pour réduire la souffrance des animaux d’élevage lors de leur abattage, pourquoi ne s’appliqueraient-elles pas aussi aux pratiques de chasse ? »
Plusieurs parlementaires ont pris la parole pour répondre aux ONG. Beaucoup ont souligné le poids du lobby de la chasse. Samantha Cazebonne (sénatrice RDPI) a notamment insisté sur la nécessité pour les ONG d’y opposer un front uni. Daniel Salmon (sénateur EELV) a exprimé ses attentes quant à la proposition de loi à venir sur la sécurisation de la chasse. Corinne Vignon (députée REN et présidente du groupe d’études sur la condition animale de l’Assemblée Nationale) a quant à elle annoncé qu’une proposition de loi pour interdire la vènerie sous terre du blaireau était en préparation.
Vous souhaitez en savoir plus sur les sujets abordés ? Retrouvez ici le replay de cette table ronde (durée : 58 minutes).
Table ronde n°2 sur l’effondrement de la biodiversité : quelles politiques adopter pour conserver et cohabiter avec la faune sauvage ?
En 50 ans, la Terre a vu disparaître près de 68% de ses populations de vertébrés. La Liste rouge de l’UICN de 2022 classe 42 000 espèces comme étant menacées (contre 27 000 seulement 3 ans plus tôt). Notre pays fait partie des dix pays qui hébergent le plus grand nombre d’espèces menacées : près de 1 900. En France, 32% des oiseaux, 14% des mammifères, 23% des amphibiens ou encore 19% des poissons sont menacés d’extinction. « Une extinction, dont nous sommes les seuls responsables et dont la vitesse, concernant la faune, est 100 fois plus élevée que les précédentes. » (Milton Federici, Convergence Animaux Politique)
Lors de cette deuxième table ronde, 3 axes d’actions politiques ont été présenté par les ONG pour y remédier :
1) Atteindre 10% de libre évolution sur le territoire français
Selon Valérie Thomé (Animal Cross), « la Planète n’a pas attendu les humains pour avoir des solutions ». Les zones de libre évolution, sans aucune intervention humaine (ni chasse, ni pêche, ni exploitation forestière), permettent à la nature de se régénérer d’elle-même. L’Union Européenne a fixé un objectif à 2030 de 10% du territoire terrestre et marin en protection stricte (équivalent à la libre évolution). L’Allemagne a déjà atteint 3%, la France plafonne aujourd’hui à 0,6%.
Pourtant, les bénéfices économiques potentiels de la libre évolution, liés au tourisme écologique et photographique, sont importants : « ce qui intéresse les touristes, c’est de voir des animaux vivants. » En Allemagne, la nature sauvage du Parc national de la forêt bavaroise attire chaque année 1,3 millions de visiteurs et a permis la création de 200 emplois. En Italie, le Parc national des Abruzzes, également en libre évolution, accueille 800 000 visiteurs chaque année, et le Parc national Suisse génère 20 millions d’euros de chiffre d’affaires par an.
2) Interdire l’importation de trophées de chasse d’espèces menacées
D’après Capucine Meyer (HSI Europe), « la chasse aux trophées met à mal beaucoup d’efforts pour préserver la biodiversité. » Comment s’en étonner ? Plus l’espèce est rare, plus elle rapporte de points aux chasseurs. En 2016, suite au scandale du lion Cécile, la France a donné le statut de protection au lion : pourquoi ne pas faire même avec les autres espèces en danger ? « Sur notre territoire, nous devons appliquer le principe de précaution et stopper l’importation de trophées de chasse d’espèces menacées. »
3) Protéger les grands prédateurs (loups, ours, lynx)
Selon Laura Wheatley (ASPAS), « les grands prédateurs (loup, ours, lynx) sont nos alliés » car ils régulent eux-mêmes les populations d’ongulés sauvages et apportent de nombreux bénéfices à leur écosystème. « Laisser plus d’espace à la vie sauvage permettrait également de réduire les conflits entre les humains et les grands prédateurs. »
Le nouveau Plan Loup veut remettre en cause le statut de protection de l’espèce, alors même qu’aucune évaluation du dernier Plan n’a été réalisée. Pour Marie-Laure Laprade (Education Ethique Animale), qui participe à de nombreux comités départementaux loup, « déclasser l’espèce conduirait à son éradication à court terme. »
Les tirs de loup sont-ils réellement une solution efficace ? Les éleveurs français reçoivent au total 5 millions d’euros par an pour indemniser leurs pertes : la protection des troupeaux a-t-elle été renforcée ? « En Espagne et en Italie, l’élevage a été pensé avec la présence du loup, alors qu’en France on a longtemps vécu sans, et nos pratiques n’ont pas été adaptées. »
Vous souhaitez en savoir plus sur les sujets abordés ? Retrouvez ici le replay de cette table ronde (durée : 1h15)
Cette Rencontre CAP a permis d’ouvrir un nouvel espace de dialogue et de coopération entre les ONG et les parlementaires pour intégrer la protection des animaux et de leur environnement dans la loi.
Un grand merci à la Fondation Nature & Découvertes et 1% for the Planet pour le financement de cet événement, ainsi qu’à l’ensemble de nos mécènes et donateurs pour leur soutien à notre action.